Martin Barré
1924 - 1993

Martin Barré dans son atelier par Hans Namuth, c. 1977

Martin Barré poursuit un parcours solitaire, scandé d’étapes qui sont autant de tentatives pour trouver un langage personnel. Refusant délibérément la solution du tachisme et de l’informel dont les références naturalistes sont trop sous-jacentes, sa peinture affirme un style qui en fait un des peintres les plus singuliers de sa génération.

Adolescent, il ne cache pas son admiration pour Léger, Oscar Schlemmer et surtout Le Corbusier er Adolf Loos. Son père est architecte et il s’inscrit naturellement dans la classe d’architecture des Beaux-Arts de sa ville. Mais il rejoint très vite l’atelier de peinture de Deltombe auquel il doit sa découverte de Gauguin et de Cézanne (1939-1943). En 1943, il se rend à Paris en cinq jours de marche et fréquente les Académies libres tout en faisant des navettes entre la capitale et Nantes. C’est en 1945 qu’il fait la connaissance dans sa ville de Michel Ragon qui va devenir l’ami, le soutien et le défenseur passionné de sa peinture pendant de nombreuses années. Il travaille comme décorateur pour le Théâtre d’Essai de Nantes (1946-1947) et expose, galerie Michel Colemb (1946). Il est alors influencé par le post-cubisme, par Picasso et Miro. Installé à Paris depuis 1948, il présente l’aboutissement de ses recherches figuratives lors de sa première exposition, à la galerie du Vert-Galant en 1949. D’une écriture simplifiée, il dessine des plantes et des animaux qui se détachent sur le blanc du papier

“ Le souci d'une grande lisibilité donne naissance à des formes statiques, asymétriques dont les horizontales et les verticales s'animent progressivement, entraînant leur métamorphose sur un fond parfaitement blanc, car après le « Carré blanc sur fond blanc de Malevitch », il n'y a plus de doute pour Barré : « Toute la peinture me semble aboutir au carré blanc sur fond blanc de Malevitch et repartir de là ». ”

Sans transition, il aborde l’abstraction. Après avoir réalisé des collages géométriques, il exécute des gouaches abstraites lyriques (1950-1951) mais dont le caractère informel le laisse insatisfait. Déjà, il multiplie ses recherches picturales en faisant intervenir des éléments étrangers au matériel traditionnel du peintre. C’est l’outil qui dicte la forme: gouaches exécutées avec le manche d’un pinceau (1951), peintures au plaka, suite de gouaches orange sur bois (1952) auxquelles il donne une forme arrondie (en 1958-1960, il reviendra sur ce problème de dimensions et façonnera alors lui-même ses châssis), couleurs projetées au moyen de bouteilles, série « tachiste » avant la lettre (1953), le mot n’existant pas encore. Beaucoup de ses œuvres ont été détruites, volontairement ou par nécessité, pour pouvoir réutiliser les toiles après leur décapage. Automne 1953, M. Ragon cède à Barré sa chambre, rue des Saints-Pères. Peint au couteau à mastic.

1954, l’œuvre de Barré commence véritablement et se révèle au public. Deux toiles sont envoyées au SaIon des Réalités Nouvelles et retiennent l’attention.

1955, première exposition de peintures abstraites à la galerie La Roue, préfacée par M. Ragon. Tout ce qui va caractériser son univers plastique est en place. Tout d’abord, celui-ci est issu directement de Mondrian et surtout de Malevitch dont il revendique l’héritage: il sait que depuis le « Carré noir sur fond blanc» peint en 1913, il n’y a plus d’issue pour la peinture figurative. Ses moyens sont donc restreints et sa préoccupation concerne l’intégration du «fond» du tableau aux formes plaquées dessus. Le souci d’une grande lisibilité donne naissance à des formes statiques, asymétriques dont les horizontales et les verticales s’animent progressivement, entraînant leur métamorphose sur un fond parfaitement blanc, car après le « Carré blanc sur fond blanc de Malevitch », il n’y a plus de doute pour Barré: « Toute la peinture me semble aboutir au carré blanc sur fond blanc de Malevitch et repartir de là. »

Apparition de formes étirées, puis du triangle ouvert et du rectangle qui renforcent l’importance des vides par rapport aux pleins. La palette limitée jusqu’alors aux ocres rouges, au blanc et au bleu de Prusse (mais dont les mélanges lui permettent d’obtenir des gris, des bruns, des noirs) est abandonnée. Le noir et l’ocre jaune constituent la partie sombre de la toile, par rapport au fond clair de plus en plus travaillé et se teintent de gris jaunâtres et gris verdâtres (1957).

Ces toiles sont présentées en 1956, galerie la Roue, avec une préface toujours de M. Ragon.

57-50-B, 1957
Huile sur toile
89 x 116 cm
60 T 23, 1960
Huile sur toile
86 x 80 cm

1957, la galerie Arnaud accueille la troisième exposition particulière. Les toiles sont peintes au couteau et les blancs dominent, travaillés, « du claquant à l’onctueux » (M. Ragon). Une mobilité des formes qui s’imbriquent se fait jour, notamment par l’importance donnée au support rendu visible par le grattage de la toile à l’aide de baguettes d’encadrement. Importance du noir dans le chromatisme à base de terre de Sienne et apparition subtile de touches de jaune de Naples. A la suite de ses voyages en Hollande où il s’absorbe dans l’étude de Rembrandt, Hals. Vermeer et Malevitch, puis en Espagne où Greco et Vélasquez le passionnent, .Barré acquiert une touche plus gestuelle.

Nouvelles expositions à la galerie Arnaud en 1959: en mai, avec des gouaches minutieuses, réservées pour laisser tout son poids au blanc de papier, et en novembre, peintures blanches et noires. Sur cette monochromie que d’aucuns lui reprochent, Barré s’explique: « Ma période blanche ( 1959), que les premiers spectateurs ont vue certainement non-couleurs, est au contraire, chez moi, ,un avènement de la couleur; car la couleur prend le pas sur la forme, sur le fond. La couleur se fait espace. » (Entretiens avec Michel Ragon, cité in « Vingt­cinq ans d’Art vivant » Ed. Galilée 1986).

1960, retour à la peinture à l’huile avec le tracé au tube directement appliqué, donnant la sensation que l’espace déterminé par cette empreinte se prolonge au-delà des châssis. Michel Ragon publie une monographie: « Martin Barré ou la poétique de l’espace »,. Ed. Arnaud.

Galerie Arnaud, expositions en 1960-1962-1964-1967 et 1968. Il aborde alors une peinture plus baroque. Remettant sans cesse en question ses acquis, Barré s’interroge encore. Pour lui ses toiles “ouvrent directement sur le monde où nous vivons et il vaut mieux y voir une figure du milieu humain tel qu’il faudrait qu’il soit ou qu’il devienne».

Participe à de nombreuses expositions collectives tant en France qu’à l’étranger. Citons :

1955 : « Dix-sept Peintres de la Génération nouvelle » galerie Kléber, Paris

1956
« L’Aventure de l’Art abstrait » galerie Arnaud, Paris, et Festival de l’art d’avant-garde, Cité Radieuse de Le Corbusier à Marseille
« Cinquante ans de peinture abstraite » galerie Creuze, Paris
« Jeunes Peintres » (Barré, Guitet, G. Resse) et « Eloge du petit format II » galerie La Roue

1956-1957 :« Pentagone » galerie Arnaud

1957
« gouaches et collages » galerie Le Gendre
Festival de l’art d’avant-garde, Cité Radieuse, à Rezé-lès-Nantes
« Nouvelle Ecole de Paris », Bridgestone Gallery, Tokyo

1958
«Seize peintres de l’Ecole de Paris » Mexico
« Nouvelle Ecole de Paris » Tokyo, Osaka, Kyoto et Nagoya
« Divergences 6 », galerie Arnaud
« Rencontre d’Octobre », Musée Nantes

1959
« La Escuela de Paris » Museo de Bellas Artes, Caracas
Biennale de Paris; Prix Lissone, sélection
« La Peinture actuelle » galerie Arnaud

1959-1960 : « Divergences 7 » Verviers

1960
« Expressions d’aujourd’hui », Château Lunéville
« La Peinture française d’aujourd’hui » Musée Tel-Aviv

1961 :« Les jeunes critiques avaient choisi » galerie Arnaud

Participe au Salon des Réalités Nouvelles en 1954, 1956, 1957, au Salon de Mai en 1961 et au Salon Comparaisons en 1957, 1958, 1959.

Invité à la galerie Charpentier en 1961 pour « l’Ecole de Paris ».

Depuis 1981, expose à Paris à la galerie Gillespie-Laage-Salomon. (Catalogues).

1979, Œuvres de 1960 à 1978. Musée d’Art moderne, Ville de Paris, A.R.C. Catalogue.

1987, Œuvres 1954-1961, galerie J.Barbier – Fiac (in « Cimaise» n°190, 1987.).

1989, Rétrospective Barré. Musées Nantes, Tourcoing, galerie des Ponchettes, Nice. Catalogue.

1993, Martin Barré – Les Années Quatre-Vingt, Galerie Nationale du Jeu de Paume, Paris

2019-2020, Martin Barré rétrospective. MAMCO Genève.

2020-2021, Martin Barré rétrospective. Centre Pompidou Paris. Catalogue.

 

MUSÉES

  • Musée national d’Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris
  • Musée d’Art moderne Ville de Paris – Lille – Nantes
  • Museum of Fine Arts, Houston (Texas)
  • Musée d’Art moderne, Rio de Janeiro
  • Moderna Museet, Stockholm
  • Nasjonalgalleriet, Oslo
  • Sonja Henie-Niels Onstad Kunstsenter, Hövikodden, Oslo

BIBLIOGRAPHIE

Michel Ragon: « Seize Peintres de la Jeune Ecole de Paris ». Musée de Poche. Ed. G. Fall 1956

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